Son passage au CCO en avril 1988 reste un excellent souvenir. Spécialiste de la communication politique – avec des clients plutôt à droite – Thierry Saussez est toujours convaincant : teint bronzé, belle diction, discours facile, arguments percutants. Sa très belle carrière peut faire pâlir d’envie ses confrères de plus en plus nombreux. Expérience de terrain comme élu, création de son entreprise, direction de l’information du Gouvernement pendant deux ans et demi de 2008 à 2010, rédaction d’une dizaine d’ouvrages dont Politique séduction, paru en 1985. Comparé à Jacques Séguéla, il est habitué à intervenir avec l’ancien conseiller de François Mitterrand. La politique les sépare peut-être. Non la nécessité d’imaginer, d’informer, de dialoguer. D’ailleurs ils ont écrit ensemble en 2007 La Prise de l’Élysée paru chez Plon.
Quelle mouche le pique donc de rédiger et de lancer un Manifeste pour l’optimisme en 2011 ? Au fond, il est très agacé par le succès de l’ouvrage de Stéphane Hessel. Trente pages où le respectable auteur nous invite à nous indigner de tout : l’argent-roi, les inégalités, la dictature des marchés financiers, la mondialisation, la Sécurité sociale et les retraites bradées, les féodalités économiques, etc. Alors Thierry Saussez pousse à son tour un coup de gueule en faveur de... l’optimisme. Il reconnaît que nous, les Français, sommes les champions du pessimisme. Cette défiance est héritée de notre histoire religieuse et politique. Elle est entretenue par un système médiatique anxiogène. Il rappelle que, qu’on le veuille ou non, l’argent est la clé d’une chaîne cohérente : commerce, crédit, investissement, innovation, progrès scientifique et technique. La prospérité en France est donc affaire de mentalité et la nôtre s’est construite sur la méfiance. Il n’est vraiment pas pour l’étatisme qui reviendrait à asphyxier la société civile, l’économie de marché, le dialogue social.
Il évoque naturellement les problèmes de l’information qui circule à la vitesse de la lumière. Cette primauté de l’instant empêche tout recul, bannit l’analyse, quand elle ne foule pas aux pieds la vérification des sources, le respect de la vie privée, le fonctionnement de la justice, la séparation des faits et des commentaires autrefois considérée comme un axe central de la déontologie. Il s’emporte sur les comportements : parler le premier, chercher le scoop, trouver l’exclusivité, donner la priorité au sensationnel et, faute d’y parvenir, reprendre en boucle la même information.
Quelle bouffée d’oxygène ! Je réponds à son manifeste. Regrettant qu’il ait eu moins d’écho que pour le best-seller d’Hessel. Avec cette proposition : consacrer au moins 20 % de chaque grand journal télévisé ou radio à des bonnes nouvelles. Elles existent dans la presse écrite. Et dans la vie. On sait qu’il y a chaque jour des milliers de catastrophes, accidents et problèmes dans le monde. Ces informations négatives proviennent des agences et de partout via internet. Pourquoi les 30 ou 40 nouvelles qui sont présentées en reportage ou en studio sont-elles toutes négatives et déprimantes ? Pourquoi ne pas donner des informations qui, sans être forcément drôles, soient heureuses ou sympathiques ? Bref donner un peu d’éclaircies dans le ciel assombri de l’information !
Sur le canapé, en regardant la télévision, le soir avec Chantal, je ressens cette même rage : il n’y a quasiment rien de réjouissant. Alors je peste. Elle me dit : Te voici contaminé. Toi aussi tu es en train de râler.
Vie de com', avec un "aime", de Jean Amyot d'Inville, Éditions d'Orbestier, 2013, 359 pages, 22 €. Achat en ligne sur le site de l'éditeur ou sur celui de la Fnac.