Toutes les trois ont 22 ans, sont étudiantes à Nantes en deuxième année de master, et ont pris part aux cycles de l'Atelier de la gouvernance. Delphine, Katel et Marine font partie des plus jeunes participants à l'événement. Les deux premières suivent des cursus différents à l'École de design, alors que la troisième est en sociologie à l'université. En plus de leurs profils relativement proches, les trois filles ont de nombreuses similitudes dans leurs manières d'observer et d'analyser les faits. Il n'est donc pas étonnant qu'elles portent, à quelques distinctions près, le même regard critique au sujet de la manifestation.
Les cours. Voilà la motivation principale qui a poussé Delphine, Katel et Marine à s'engager dans l'Atelier de la gouvernance. Chacune à leur façon, elles travaillent cette question dans leurs cursus. "Avec Katel, nous avons une spécialité en commun traitant de la ville de demain, commente Delphine. Cette expérience nous servira dans nos projets de fin d'études, qui tournent également autour de ces questions." Marine, quant à elle, a eu plusieurs cours sur la démocratie participative et souhaitait approfondir sa réflexion sur le sujet. Une stratégie payante, d'ailleurs, puisqu'elle poursuit aujourd'hui dans cette voie dans le cadre de son stage de master 2.
Des participants trop homogènes
Les trois apprenties citoyennes portent néanmoins un avis mitigé sur l'événement. "Il y a une sorte d'entre soi, précise Marine, en vraie sociologue. J'ai l'impression que l'on retrouve une certaine typologie de personnes : une majorité d'hommes, qui ont entre 30 et 40 ans, issus du milieu associatif ou entrepreneurial, et faisant partie du réseau de la Cantine numérique de Nantes." Delphine confirme cette idée : "Le public était plus varié lors du premier atelier. Peut-être ont-ils pris peur en voyant la place qu'occuperait le numérique… Comme cette retraitée qui avait pris la parole lors de cette rencontre. Un peu "à côté de la plaque", elle avait fait sourire l'audience et on ne l'a plus revue ensuite." Un point de vue partagé par Katel, pour qui les discussions sont souvent accaparées par "les spécialistes".
Deux élus ont pris part dès le début au cycle de l'Atelier de la gouvernance : Bassem Asseh, conseiller municipal en charge du dialogue citoyen et de la coproduction et Mounir Belhamiti, conseiller municipal en charge de l’e-citoyenneté. Malgré des à priori négatifs, les trois étudiantes ont apprécié leur participation : "Même s'ils tombent parfois dans les discours habituels, je suis agréablement surprise de leur implication. Ils sont facilement accessibles", résume Katel.
Le numérique : plus un moyen qu'une fin en soi
Contrairement au hacker Kheops, Delphine, Katel et Marine ne sont pas des as de l'informatique. Pour elles, cette lacune a été un frein dans les discussions. "Plusieurs participants s'y connaissent et prennent souvent la parole. Nous, avant de nous exprimer, il faut qu'on prenne le temps de comprendre et réfléchir à ce qui vient d'être dit", souligne Katel. Même si le digital a été imposé dès le départ comme base de travail, celui-ci se révèle clivant. Cette question a d'ailleurs été soulevée à plusieurs reprises dans les discussions de l'atelier.
Finalement relégué au rang d'outil, il s'est un peu effacé au fil des rendez-vous au profit de réflexions plus larges sur le dialogue citoyen : qu'est-ce que la démocratie participative ? Comment la mettre en place de manière équitable ? Comment doit-elle être prise en charge par les pouvoirs publics ? Les formats proposés permettent-ils à l'ensemble des citoyens de s'engager dans les débats ? Pour les trois étudiantes, qui voient cette évolution d'un œil positif, le numérique est donc plus un moyen qu'une fin en soi.
Une citoyenneté réveillée ?
Malgré ces quelques critiques, le trio d'étudiantes est fier de participer à l'initiative, qu'elles trouvent utile et intéressante. "Même si cela part un peu dans tous les sens, quelque chose de bien en ressort", résume Delphine. Il faut bien le reconnaître, les trois Nantaises n'auraient probablement jamais mis les pieds à l'événement sans l'appel des études. Elles ne se sentent pas vraiment l'âme "citoyenne". Elles n'ont pas l'impression d'agir. "Je trie mes déchets. Mais à part ça…", plaisante Katel. Même constat pour Marine : "Comme beaucoup, j'exprime mes choix politiques par le vote et j'ai participé à la manifestation républicaine du 10 janvier… Mais c'est tout."
Toutes les trois laissent entrevoir un certain sentiment de culpabilité. Mais reconnaissent que cette aventure a un impact positif sur elles et, contre toute attente, a dépassé le simple cadre des études : "Cela m'a donné l'envie de m'engager dans une association. Depuis le dernier atelier, j'ai participé à l'opération "Clan du néon", le 29 janvier à Nantes, dont le but était de sensibiliser les commerçants au gaspillage énergétique", annonce fièrement Delphine. Katel souhaite s'investir au sein de son quartier, tandis que Marine veut contribuer davantage aux discussions publiques en participant au débat sur la Loire, initié par la ville de Nantes, ou en intégrant le conseil de développement de la métropole. La flamme citoyenne semble donc bien allumée pour ce jeune trio !
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Charte de gouvernance ouverte : entre curiosité et impatience  Alors que le troisième cycle de l'Atelier de gouvernance s'est déroulé fin novembre, la création de la charte de démocratie ouverte approche à grands pas. Les trois Nantaises déclarent être curieuses et impatientes de la voir, mais ne cachent pas pour autant leurs interrogations : "Quelle forme aura-t-elle ? Comment sera-t-elle diffusée ? Comment évoluera-t-elle ?". Prévue pour début mars, elle sera présentée à la Ville et Nantes métropole lors d'un quatrième rendez-vous. Celui-ci permettra notamment de la mettre en débat afin d'affiner la proposition finale. Les participants et les élus sont d'ailleurs invités à venir discuter autour des points clés de ce document. Sceptiques, Delphine, Katel et Marine demandent à voir : "ce texte devra faire ses preuves. Nous avons peur que ce ne soit que du vent, car ce texte n'engage à rien de concret. La balle est donc maintenant dans le camp des pouvoirs publics." Pour en savoir plus : www.atelierdelagouvernance.fr |